Pitcher, perdre, recommencer... Appels d’offres, le grand casino des agences.

Article

03 / 12 / 2025

Scott Bizman s’en-mêle !

Pitcher, perdre, recommencer... Appels d’offres, le grand casino des agences.

La mise de départ, un investissement sans garantie de retour.


Ça vous paraît normal, vous, de bosser sans être payé ? Non, hein… Et pourtant, dans notre secteur, c’est monnaie courante. (Monnaie courante, ne pas être payer… vous l’avez ?). Les agences créent, conceptualisent, designent, budgétisent, sans garantie de voir un centime. C’est la règle, nous dit-on. Vraiment ? On vous explique.


Imaginez, une agence de design d’espaces qui, chaque mois, aligne les heures sur des appels d’offres. Brainstorming, étude, chiffrage, recommandations stratégiques. L’équipe y met toute son énergie. On soumet, au mieux on soutient… Puis, silence radio. Parfois, un mail laconique, un autre projet a été retenu. C’est le jeu, paraît-il. On mise gros, mais à l’arrivée, seuls les gagnants connaissent le tirage. Une sorte de loterie-logique, dans laquelle l’investissement est obligatoire mais la reconnaissance, aléatoire.


Imaginez, encore. Un appel d’offres, ça peut coûter à une agence entre 5 000 et 50 000 euros, selon la complexité du projet, la taille de l’équipe mobilisée et la nature de l’étude demandée. Entre la conception créative, les rendus graphiques, le chiffrage détaillé, les ajustements multiples et le calcul carbone de dizaines d'évènements… la charge de travail varie considérablement. Un appel d’offres simple, peut représenter un investissement limité, certes. À l’inverse, un projet sur-mesure avec prototypage, éco-sourcing et modélisation peut atteindre des coûts faramineux et peut mobiliser parfois plusieurs semaines de travail sans AUCUNE garantie de ROI. Zéro. Que tchi. Nada.


Une étude menée par l’Association des Agences de Communication Événementielle (Lévénement) estime que 30 à 50 % des ressources d’une agence sont consacrées à des appels d’offres non rémunérés. Un gouffre, un canyon financier, qui, dans bien des cas, n’aboutit à rien. Alors que la rentabilité et l’optimisation des coûts sont des impératifs, pourquoi ce modèle persiste-t-il encore ? Parce que c’est ainsi que les choses ont toujours fonctionné ? Parce que personne ne veut être le premier à refuser de jouer le jeu ? Mais à force d’accepter l’inacceptable, ne risque-t-on pas d’ancrer encore davantage une pratique qui pénalise l’ensemble du secteur ?

Tâchons d’être un brin provocateur, ces questions n’attendent pas de réponses dans l’instant, mais si l’on pouvait y réfléchir pour demain…



Jackpot pour les annonceurs, tapis pour l’agence.


Dans un appel d’offres, le client émet une demande détaillée. Faîtes vos jeux ! Les agences soumissionnent en fournissant des concepts élaborés. Rien ne va plus ? Et une seule est sélectionnée… Les autres repartent les mains vides. Elles ont investi du temps, des ressources et de l’expertise gratuitement et vont devoir se refaire en vendant des kakemonos à la sauvette. Double peine, ce modèle ne met pas seulement les agences en difficulté, il dévalorise aussi la profession. Un projet sérieux mérite une réflexion solide. Lapalissade. Alors peut-on réellement produire une idée innovante dans un contexte où l’investissement intellectuel est gratuit ?


Certaines entreprises peuvent pleinement abuser de cedit modèle (de moins en moins, mais tout de même…), elles lancent des appels d’offres ici et là, dans le but de récupérer des idées et sans intention réelle d’attribuer le marché. Des agences témoignent de clients ayant utilisé des concepts issus d’appels d’offres non retenus en les confiant ensuite à des prestataires moins chers. Disons que certaines inspirations ressemblent étrangement à des créations déjà vues...

Une pratique à la limite de la légalité, qui illustre l’opacité et le déséquilibre du modèle actuel. Nous l’allons montrer tout à l’heure.

Dans le casino parfait, la banque rafle toujours la mise.


Généralisons l’exemple à un AO type, proposé par une grande entreprise. Elle impose des cahiers des charges lourds, qui nécessitent des études techniques approfondies, du prototypage et parfois même la mobilisation de ressources internes et externes. Oui, c’est pour ça qu’on se lève. Étonnamment, aucune compensation n’est prévue pour ce travail et pourtant, on s'est levé tôt. Dans d’autres secteurs, une telle pratique serait impensable. Lorsqu’un avocat prépare un dossier, il facture ses heures. Un bureau d’études établit une analyse de faisabilité ? La prestation est payée, indépendamment de l’issue finale.


En France, certaines collectivités publiques commencent à rémunérer les phases de consultation sur les projets urbains et d’aménagement. Un concours d’architecte, par exemple, prévoit une indemnité pour les soumissionnaires. TOP ! Pourquoi l’événementiel et le design d’espace restent-ils en retard sur cette question ? Flop...


Le LEADS France, a d'ailleurs pris une position ferme sur ce sujet : les compétitions non rémunérées sont une aberration économique et un frein à la créativité. L’association dénonce une pratique qui « fait reposer sur les agences un investissement considérable, sans garantie de retour, ni même de respect des concepts présentés ».


Mais le problème ne s’arrête pas là. Cette précarisation de la création favorise aussi une autre dérive : l’appropriation abusive des idées et le plagiat. En partageant librement des concepts, des visuels et des stratégies avec des prospects, les agences s’exposent à voir leur travail repris, détourné ou réattribué sans aucun cadre ni reconnaissance.


En tant que membre du LEADS, nous partageons cette conviction et participons à son travail de sensibilisation et d’accompagnement pour que les pratiques évoluent vers plus d’équité. Le combat contre les appels d’offres non rémunérés et celui pour la protection de la propriété intellectuelle sont intimement liés. Plaider pour un cadre plus équilibré, c’est notre façon de défendre un secteur où la création a une valeur et où l’engagement doit être mutuel. Rémunérer les propositions soumises, ne serait-ce que partiellement, permettrait de reconnaître le travail fourni et d’encourager une compétition saine et qualitative.


Petite parenthèse concernant la propriété intellectuelle, 2B® apportait déjà son soutien à la position du Leads sur le sujet en 2024.

Flashback


En soutien à la position du Leads, nous — 2B® — réaffirmons l'importance du respect de la propriété intellectuelle. Copier les créations d'un bureau d'étude, c'est nier et renier l'essence même de notre métier. Ni plus, ni moins.


Dans un registre tout aussi préoccupant, partager les créations d'une agence à des fins de chiffrage, en divulguant les prix déjà obtenus, est un procédé inadmissible qui tend à fragiliser l'équilibre de notre profession. Heureusement, la déontologie qui règne au sein du Leads France protège l'intégrité et la pérennité du secteur.


Rappelons à toutes fins utiles que la valeur d’un concept ne peut être réduite à une simple négociation de coûts. Si ces dérives se multiplient — et malheureusement, c'est déjà le cas — c'est la relation de confiance qui se trouve menacée et avec elle, l'intelligence de nos projets.


Restons vigilants et engagés !


Fermons la parenthèse, mais pas le débat.

Roulette russe du marché, un modèle à bout de munition.


Dans d’autres secteurs, la rémunération des efforts préalables est une évidence. Les architectes sont rémunérés pour leurs avant-projets. Les consultants facturent leurs analyses préliminaires. Les bureaux d’études sont rémunérés pour leurs études de faisabilité. Pourquoi le secteur de l’événementiel et du design de stands ferait-il exception ?


Un appel d’offres, où chaque acteur joue avec les mêmes règles, c’est l’assurance d’un match équitable : moins de prétendants, mais des dossiers plus solides. Moins de candidatures, mais des propositions plus viables et argumentées. Des clients qui reçoivent des recommandations plus précises et des agences qui peuvent s’investir pleinement, sans pression financière excessive. En somme, un système plus sélectif, mais aussi plus qualitatif.

Alors, gagner le pot…

ou juste financer la table ?


Chez 2B®, nous sommes convaincus qu’un partenariat solide repose sur une reconnaissance mutuelle des efforts investis. Le bon sens, encore et toujours. Rémunérer les soumissionnaires, c’est accepter que tout travail mérite salaire et c’est simplement respecter les règles du jeu ! Un changement qui favoriserait une compétition plus saine et où la valeur d’un concept ne se joue pas à sa gratuité.


Au final, la vraie question n’est pas de savoir si les appels d’offres doivent être rémunérés, mais jusqu’à quand les agences continueront à payer pour participer à une partie où elles n’ont pas leur mot à dire. Un projet qui se respecte mérite une réflexion qui ne soit pas bradée. Et une réflexion sérieuse, ça a de la valeur. Non ?


Travaillons ensemble !

Une question, un projet ? Parlons-en.

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